Avant la représentation du lundi 13 août, à 19h, la Maison Cassan viendra offrir une dégustation de ses produits aux spectateurs et aux artistes.
Notes de mise en scène
Dès les premières notes de l’ouverture de La Traviata, Verdi annonce la fin, ou bien ne se place-t-il pas déjà à la fin, pour remonter ensuite le passé avec le regard particulier qui caractérise la tragédie ?
C’est ce double point de vue qui guide ce projet. D’une part, une Violetta mourante qui se remémore le passé et d’autre part, une Violetta qui s’étourdit dans les apparences et le mirage social. D’une part, une Violetta lucide témoin de ses vains espoirs et d’autre part, une Violetta jeune et ambitieuse qui tente de sortir du déterminisme social par son unique sensualité.
D’une part, une Violetta qui a mis son masque social et d’autre part, à la fin de son histoire, une Violetta sans masque qui, rongée par la maladie « symbolique », observe avec lucidité la traversée des apparences et le miroir de l’univers des hommes.
Pour se faire, la Violetta dénudée des apparences, chantera et regardera une autre Violetta qui correspond au modèle social imposé par les conventions. La Violetta lucide sera filmée en direct et projetée sur le fond du décor tandis que sur scène, un monde de fantômes normalisés s’ébattra dans un jeu social convenu et réglé.
La vision concomitante des deux phases de la personne (une sur scène, une sur l’écran) doit amener le spectateur à percevoir l’impasse où se trouve Violetta, les contradictions, la nécessité de la fin pour régler la question.
L’orchestre sera intégré dans l’espace scénique car la musique et ses exécutants font partie de « la règle du jeu », la salle de bal, son orchestre et ses danseurs participent à cette règle. C’est une société qui continue de « gigoter » alors qu’elle est au bord de la fin d’un siècle et d’un monde. Violetta, la courtisane ambitieuse sortie du roman de Zola, sorte de « nana » qui profite des feux de sa beauté pour échapper à la misère et s’étourdit dans l’amour artificiel et les compromis.
Costumes fin de siècle, estampes figées... espace vide peuplé de fantômes... c’est ainsi que la Violetta encore vivante se séparera de la Violetta à l’amour virtuel.
J’ai demandé au chef d’orchestre et à l’orchestrateur de travailler l’orchestre de chambre pour que celui-ci puisse différencier les atmosphères : d’un côté, l’écoute de la Violetta mourante et se remémorant son passé et de l’autre l’étourdissement de la fête. D’un côté la mélancolie d’un temps retrouvé opposé à une présence forte de l’autre.
On verra se confronter au cours de l’œuvre l’apparence et la vérité, le subliminal et le concret... c’est le sujet de cet opéra, c’est le sujet volontairement choisi par Verdi, ce qui explique les problèmes qu’il a eus avec le public et la censure aux premières représentations.
L'espace dramaturgique
Un espace vide formé du nombre d’or des architectes, sorte d’équilibre apparent.
Trois bancs qui délimitent sur cet espace des circulations…
Une apparence d’espace clinique.
En fond de scène un écran destiné au visage sans masque de Violetta.
Cet espace est un lieu insolite qui porte les illusions de Violetta, sa persona.
L’écran, espace de fiction reflète le réel pour participer à l’individuation de Violetta, la Violetta libéré des masques.
L’espace scénique développera par ses espaces de lumière à la fois des lieux de jeux de masques, des éclairages partiels, comme un bal de marionnettes.
Violetta au soir de sa vie, entraînée par la maladie libératrice va dérouler son histoire avec un regard subjectif, elle va se libérer …
Dans l’acte chez Flora deviendra alors un bal de masques carnavalesques où les personnes redeviennent des pantins d’un jeu d’échec social.
L’acte précédent, l’acte de l’ébauche du bonheur stéréotypé, elle s’appliquera à détruire les symboles de cette extase romanesque…
Enfin avant le premier acte, celui de la rencontre « rêvée » d’un amour fou tel que l’imaginent tant de gens, on verra notre Traviata réelle, au seuil de la vie, au bout du conflit avec elle même se sauver dans la maladie.
Ainsi nous avons inversé certaines scènes pour accentuer le flash back mais aussi lui donner un sens mélodramatique et romanesque mais par dessus tout un regard clinique et dérisoire sur la « persona » « comédienne » qui joue son rêve…
L’agonie du personnage devient alors non pas rédemption mais connaissance de soi et de ses sources profondes. La libération.
C’est pour cela que j’ai souhaité un espace assez neutre, voire hiératique et des costumes où l’on distinguera difficilement les personnalités comme une vision hors du monde. Soit au milieu de la foule, soit seul !
Références cinématographiques
Renoir, La Règle du jeu
Bergman, Persona
Dans La Règle du jeu, Renoir, s'attaquait à la structure de la société avec ses classes, ses compromissions. À travers une fête légère se tissent différentes intrigues qui mènent à un drame symbolique : la chasse aux lapins et la chasse à l’homme. Et cette société s’auto-absout grâce à une empathie passagère.
Dans Persona, Bergman confronte une comédienne qui refuse de parler à son infirmière. Elle s’est murée dans le silence et le cinéaste, s’inspirant directement de Yung, nous fait traverser les miroirs, les personnes, les illusions et la réalité.
C’est pour cela que ces deux films sont une source d’inspiration, d’un côté, une société futile qui refuse de voir ses contradictions et de l’autre un personnage muré dans le silence, un regard sur les autres qui l’empêche, le rend lucide et lui permet la réalisation de soi.
Du côté de Renoir le marivaudage fluide inconscient d’une société finissante, de l’autre, chez Bergman une femme (Violetta) qui sauve sa vie en la quittant dans des gros plans au scalpel.
Distribution
- Direction musicale : Gaspard Brécourt
- Metteur en scène : Olivier Desbordes
- Collaborateur à la mise en scène : Benjamin Moreau
- Violetta : Serenad B.Uyar
- Alfredo : Julien Dran
- Germont : Leonardo Galeazzi
- Traviata muette : Fanny Aguado
- Flora : Hermine Huguenel
- Gaston : Eric Vignau
- Le Docteur Grenvil : Matthieu Toulouse
- Baron Douphol : Steeve Brudey
- Le Marquis D'Obigny : Yassine Benameur
- Annina : Nathalie Schaaff
- Décor et costumes : Patrice Gouron
- Lumières : Joël Fabing
- Vidéaste : Clément Chébli
- Maquillage : Pascale Fau
- Choeur et orchestre Opera Eclate
Production : ScénOgraph - Scène Conventionnée pour le Théâtre et Théâtre Musical - Festival de Saint-Céré – Opéra Éclaté.
Presse
« Sous la direction assurée de Gaspard Brécourt , la réduction pour dix-sept instrumentistes fonctionne merveilleusement bien. Le parti pris d’Olivier Desbordes : un long flash-back, durant lequel l’héroïne revit les évènements qui ont conduit à sa perte. Le résultat est bluffant. Pour servir pareille conception, il fallait une interprète d’exception, et toute notre admiration va à Serenna B- Uyar. La musicienne délivre une prestation toute de transparence et sons filés. Du grand art. Quand le spectacle est réussi, comme c’est le cas, on approche vraiment le bonheur parfait.» Catherine Scholler, Opéra Magazine - septembre 2016
« Comment restituer l’affaire sans lasser, c’est là que le parti pris scénique d’Olivier Desbordes fait mouche. Tout en cinoche mais en noir et blanc, avec de solides références au temps du muet. Tout en flash back…et ça marche d’enfer. C’est lisible comme une BD à la ligne claire. Violetta, Burcu Uyar… quelle présence, elle emplit l’écran… jeu de vertige garanti. Cette Traviata est la meilleure… Nous sommes fan de ce long plan séquence de ouf ! Bien noté aussi l’orchestre dirigé par Gaspard Brécourt. » François Cazals, La Dépêche, Mercredi 3 août 2016
« Quelle Traviata ! Et pourtant j’en ai vu des versions, mais celle-là m’a bouleversée. [...]. Du grand art et on peut saluer comme le public l’a fait à la fin dans une immense ovation l’interprétation exceptionnelle de Burcu Uyar, qui joint à des qualités vocales hors du commun, un talent de comédienne stupéfiant. [...] Présente du début à la fin, avec cette caméra qui la scrute en permanence, chantant parfois assise, parfois couchée et qui plus est en plein air, elle est Violetta du début à la fin, belle et tragique, frémissante, éperdu d’amour, de lassitude, d’espoir puis de désespoir, livrant là sans jamais laisser soupçonner l’effort que cela exige, une incroyable performance qui nous touche droit au cœur. [...] Il faut souligner aussi la qualité de l’orchestre emmené de main de maître par un Gaspard Brécourt survitaminé et qui parvient en formation réduite à rendre toute la puissance de la musique de Verdi. Une soirée exceptionnelle dans le cadre tout aussi exceptionnel du château de Castelnau ». Nicole Bourbon, Reg’Arts, Jeudi 11 août 2016
« Une vision très "sociale" d’un rêve éclaté d’une jeune fille revoyant défiler sa vie en flashback en vidéo, inspiré par les films d’Antonioni ou Bergman à la gloire des femmes. Une proposition originale dans un cadre idyllique : la cour du château de Castelnau. » Luc Hernandez, Exit, Sortir à Lyon, Vendredi 5 août 2016
« […] une nouvelle production de La Traviata de Verdi, par Olivier Desbordes égaleent, se présentait curieusement tel un « flash-back » avec, dans le rôle-titre, la soprano Burcu Uyar, fort convaincante ». Bruno Serrou, La Croix, Mardi 9 août 2016