Durée : 1h
À partir de 12 ans
Du mariage rêvé à la catastrophe : c’est avec ce point de départ que l’autrice Samira Sedira a imaginé Les Noces, une réjouissante comédie satirique sur fond de rencontre choc entre la Charente et la banlieue parisienne. Mixant traditions charentaises, cultures urbaines et gilets jaunes, elle nous fait rire, nous émeut et nous incite, sans en avoir l’air, à repenser notre relation aux autres.
Une comédie fédératrice, car rire ensemble c’est déjà se rencontrer, jouée - chantée sans lumières, sans fard, sans distance. Entre le public et les comédien.nes - musicien.nes, il n’y aura qu’un pas, au sens propre comme au sens figuré. Un pari pour ce spectacle, celui de la joie et de l’humour comme une réponse au marasme et au cynisme ambiant.
Projet d'écriture
Les Noces part d'une commande du Théâtre de la Poudrerie (Sevran, 93) et de la Maison MariaCasarès (Alloue, 16) à la Compagnie Maurice et les autres autour du thème de « la rencontre ». Samira Sedira, l'auteure invitée à collaborer sur ce projet, a mené au printemps 2019 une trentaine d'entretiens avec des habitants des deux territoires. A partir de ces témoignages, [...] Samira Sedira a choisi d'interroger les habitants qu'elle allait rencontrer sur leur mariage. À travers cet événement majeur dans la vie de beaucoup de personnes, elle a pris le parti qu'il y aurait de la matière pour créer une fiction. Le mariage est aussi un événement dont la littérature, le cinéma, l'art vivant, la musique... s'est emparé avec beaucoup de ferveur, et constitue un imaginaire commun riche.
Du mariage rêvé à la catastrophe, il n'y a qu'un pas. La rencontre entre des familles parfois très éloignées géographiquement, socialement, culturellement est aussi une matière politique passionnante aujourd'hui. À une époque où toutes les classes sociales et toutes les communauté ont tendance à se replier sur elles-mêmes, aidées par les réseaux sociaux et leurs algorithmes (qui tendent à nous faire croire que tout le monde pense comme nous), aidées par les médias et la peur que ceux-ci suscitent, la rencontre entre plusieurs personnes qui ne se ressemblent pas, à première vue, peut être violente mais passionnante. Dans Les Noces, les « banlieusards » et les « campagnards » vont se rendre compte que leurs préoccupations ne sont pas si éloignées qu'ils le pensaient. Pour moi, ce texte parle de lutte des classes. La conscience de classe sociale existe moins qu'avant, l’individualisme progresse, et les classes les plus pauvres se retournent souvent les unes contre les autres, de sorte qu'on se trompe d'ennemi, et que cet ennemi commun est invisibilisé. Il ne s'appelle plus « patron » comme avant, et les ouvriers ne s'appellent plus « ouvriers ». Pour parler avec Robert Guédiguian, « il y a des actionnaires, des conseils d'administration etc., mais pas de patron en direct. Dans la guerre de tous contre tous, celle des pauvres contre les riches, on a déplacé et fabriqué des oppositions factices mais qui fonctionnent. » Des gilets jaunes à la grève sans précédent que nous vivons aujourd'hui, il y a, selon moi, une réelle nécessité de replacer la lutte dans un esprit collectif, et d'unir nos forces. Les artistes aussi doivent prendre place dans ce grand échiquier de classes, et s'unir aux plus précaires puisqu'il s'agit aussi de nous. C'est pourquoi monter ce texte a pour moi une force politique essentielle. Samira Sedira a choisi d'écrire une comédie pour tenter de traiter ces sujets brûlants avec décalage et humour. La force de son texte tient précisément dans ce traitement. Comme tout correction des mœurs par le rire, le texte Les Noces n'épargne personne, et surtout pas les artistes. Car il n'est pas question, ni pour Samira Sedira, ni pour moi, de parler de rencontre entre deux pôles sans s'associer à cette rencontre. Si nous devions donc parler de « rencontre », elle serait entre trois mouvements, trois géographies, trois sociétés ; les banlieusards, les campagnards et les artistes.
Note de mise en scène
Le texte Les Noces, m'a, à la première lecture, fait rire. À la deuxième lecture, il m'a ému. À la troisième, il m'a posé beaucoup de questions : comment fait-on une comédie ? Comment rendre compte de ce texte dans un espace (très) réduit ? Comment rendre compte de la petite dizaine de personnages qui se succèdent avec trois comédiens/musiciens au plateau ? Comment s'emparer de l'aspect politique du texte, comment ne pas être surplombant, comment, comment, comment... La quatrième lecture des Noces m'a fait comprendre que toutes les réponses étaient dans le texte. Samira Sedira ne peut pas être surplombante puisqu'elle parle de son endroit : celui du théâtre. Les Noces est aussi une pièce sur le théâtre. C'est ce dont j'ai voulu rendre compte à travers une esthétique « vieillie », « passée », comme un hommage à Jean Vilar ou à Tadeusz Kantor ; une esthétique volontairement mélancolique et passéiste, pour mieux la faire se confronter aux gilets jaunes, par exemple. Ce « choc » esthétique est une rencontre possible. Le symbole de la possibilité que les artistes et les précaires s'unissent politiquement. La question de l'espace est une contrainte fertile. Si nous devons tenir dans quelques mètres carré d'appartement, nous sommes obligés d'y réfléchir très concrètement. Notre proposition est de faire exister les différents espaces et les différentes temporalités à travers la musique. Avec un simple clavier électronique sur scène, les trois comédiens/musiciens peuvent changer de personnage aussi bien que d'époque ou d'espace. La musique est centrale dans le traitement de la pièce de Samira Sedira. L'autrice elle-même propose des musiques dans son texte, nous nous en sommes emparés avec joie. Mais nous avons aussi travaillé le corps de la musique comme la possibilité de l'imagination. Face au prosaïsme de certaines situations, nous avons pris le parti de la poésie. Ce parti-pris n'est pas une fuite, mais une réponse, une possibilité, une proposition politique. Samira Sedira a écrit une comédie car rire ensemble, c'est déjà se rencontrer. C'est aussi un texte pour les acteurs. La multitude des personnages à interpréter en est le témoin. La joie de s'emparer de cette galerie de figures est proche de celle des enfants qui peuvent construire des mondes avec presque rien. Dans Les Noces, il s'agit de représenter, et pas d'incarner. C'est un défi théâtral mais c'est avant tout une joie enfantine. Ce texte aura été joué une quarantaine de fois cette saison, devant une jauge toujours assez restreinte, dans des espaces souvent réduits, et sans lumières, sans fard, sans distance. Entre les spectateurs et les acteurs, il n'y avait qu'un pas, au sens propre comme au sens figuré. Notre pari pour ce spectacle est celui de la joie et de l'humour face aux questions épineuses que soulève le texte. Cette joie est une vraie réponse politique au marasme et au cynisme ambiant.
Jeanne Desoubeaux
Production Compagnie Maurice et les autres sur une commande du Théâtre de la Poudrerie et de la Maison Maria Casarès
Coproduction Théâtre de la Poudrerie – Sevran ; Les Tréteaux de France, Centre Dramatique National.
Avec l’aide à la création de la DRAC – Nouvelle Aquitaine.
Avec le soutien du département de la Seine-Saint Denis, de l'Office Artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine, de L’École de la Comédie de Saint-Étienne / DIESE# Auvergne-Rhône-Alpes et de la Région Nouvelle Aquitaine. En résidence aux Tréteaux de France - CDN et à La Maison Maria Casarès - Centre Culturel de Rencontre & Maison des Illustres à Alloue en Charente. Une résidence rémunérée OARA.
© Christophe Raynaud de Lage
Distribution
- Texte : Samira Sedira
- Mise en scène : Jeanne Desoubeaux
- Costumes : Marion Duvinage
- Avec : Cloé Lastère
- Arthur Daniel
- Martial Pauliat